DIALOGUE ISLAM ET CHRÉTIENTE

104 le Xe siècle, les hommes de loi ont donné au monde musulman un corpus législatif faisant référence au Coran et aux actes du Prophète. Après le Xe siècle, le législateur se limite à appliquer les principes de l’une des quatre écoles auxquelles il appartient, fermant ainsi les portes de l’Igtihad, ef- fort doctrinal qui complète la charia et la doctrine se fige). Lorsqu’on parle de paix dans le Coran, il faut garder à l’esprit que le droit musul- man considère le monde comme divisé en deux parties : Dar al Islam ou Demeure de l’Islam (pays où l’Islam prédomine) et, au contraire, Dar el Harb ou Demeure de la guerre, qui dit « être conquis petit à petit et être assujettie à l’Islam». Mais voyons comment la plus haute autori- té religieuse du monde arabe, «l’Académie de recherche islamique d’Al-Azhar» (IRA), définit la guerre ou la paix. Je voudrais rappeler ce que cette autorité a déclaré le 10 mars 2003 : «Selon la loi islamique, si l’ennemi pose les pieds sur le sol musul- man, le jihad devient un devoir religieux pour tout musulman, homme ou femme». La déclaration appelait les Arabes et les musulmans du monde entier à se battre pour défendre leur terre, leur honneur et leur nation. Puis, il ajoute : «C’est une obli- gation religieuse d’aider le peuple irakien contre l’agression en interdisant aux gou- vernements arabes ou islamiques de four- nir une assistance aux forces étrangères qui envahissent l’Irak. Et : « la majorité de la population croit que l’objectif principal de l’agression contre la nation arabe et les nations islamiques est « notre foi, pui- sque l’Islam est perçu comme le principal obstacle pour empêcher la nation arabe d’être maîtrisée «. Une déclaration perçue comme un appel hypothétique du Pape à tous les catholiques pour défendre la foi par une guerre juste. L’appel à la guerre sainte, le Jihad, est lancé par les chefs reli- gieux malgré le fait que les gouvernemen- ts arabes ne fournissent pas d’assistance militaire à l’Irak. A l’issue du sommet qui s’est tenu à Beyrouth en janvier 2002 et auquel ont participé plus de 200 femmes sunnites et chiites de 35 pays, le communiqué final a déclaré : « Au nom de leurs responsa- bilités religieuses et au nom de tous les peuples, rites et pays de la nation islami- que, les actions martyres des moudjahidin sont légitimes et fondées sur le Coran et la tradition prophétique. Au contraire, ils représentent le martyre le plus sublime depuis que les mujàhidìn les réalisent en toute conscience et en toute liberté». Cette vision ne se limite pas à la légitimation des actions menées par les kamikazes, mais concerne aussi le domaine de l’éducation : de nombreux livres circulant dans les écol- es en Palestine et dans lesquels on ensei- gne aux jeunes l’obligation du Jihad sous toutes ses formes et les actes de ceux qu’on appelle « martyrs de l’Islam « sont légitimes, leur expliquant qu’ils ne doivent pas être considérés comme suicides mais comme héros et qu’ils vont au paradis car ils ont accompli un vrai jihad. Bref, ils ne se sont pas comportés différemment du Coran, mais se sont sacrifiés pour la cau- se islamique. En Palestine, où la guerre est une lutte pour l’indépendance natio- nale des Palestiniens face à l’occupation israélienne, les pays musulmans insistent sur la dimension religieuse et en font une guerre de religion, un Jihad pour la libérat- ion de cette terre. C’est un autre exemple de l’ambiguïté fon- damentale de ceux qui ne peuvent faire la distinction entre foi et politique. Avant de parler de la paix dans le Coran, je voudrais mentionner le Jihad, un terme que l’on retrouve souvent dans le Coran : guerre sainte ou lutte spirituelle pour la paix dans le cœur ? Le mot signifie l’effort sur la voie de Dieu pour faire prévaloir les droits de Dieu sur la terre. La tradition islamique distingue plusieurs façons d’exercer cet effort, pri- vilégiant l’une ou l’autre selon les époq-

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