DIALOGUE ISLAM ET CHRÉTIENTE

141 et, par conséquent, ils ne peuvent pas travail- ler pour gagner leur vie. J’ai pu le constater par moi-même grâce à des témoignages directs lors d’un séjour à Charm el-Cheikh. Je pourrais con- tinuer sur le même sujet, toujours avec des faits et des actions antichrétiennes constatés en Iran, en Turquie, en Algérie, au Pakistan, au Soudan, etc. Ce n’est pas la construction de certaines ég- lises, comme le montre votre réponse, qui peut déterminer les pays islamiques comme tolérants. Quand ces églises sont vides parce que les fréq- uenter peut coûter la vie, peut-être vaut-il mieux ne pas les construire. Gabriele Murra, Bolzano Cher Murra, Je n’ai pas dit que les pays islamiques sont tolérants. Je me suis limité à expliquer pourquoi le princi- pe de réciprocité est difficile à appliquer dans les circonstances que j’ai décrites. Et j’ai ajouté qu’un pays démocratique, fondé sur la tolérance, ne peut échouer dans ses principes sans se trahir lui-même. Il y a cependant des arguments dans votre lettre qui suggèrent une certaine réflexion. Il est certainement vrai que les chrétiens, dans certains pays musulmans, sont victimes de trai- tements injustes et privés de certaines libertés fondamentales. Mais les cas que vous avez énumérés sont très hétérogènes. En Syrie, il y a quelques mois, j’ai été très favorablement frappé par deux facteurs : l’hospitalité accordée par les autorités syrien- nes aux réfugiés irakiens (dont beaucoup sont chrétiens) et l’existence d’un quartier à Alep où il y a des églises représentant tous les cultes chrétiens du Levant. Au Liban, j’ai récemment rencontré le Patriarche des Maronites, Nasrallah Boutros Sfeir, dans son palais de Bkirki, sur les pentes des collines qui montent vers le Mont Li- ban. J’ai appris de lui qu’un million de Maronites ont quitté le pays pendant les longues années de la guerre civile. Ils ne sont toutefois pas partis par- ce qu’ils ont été victimes d’une discrimination et de persécutions particulières. Ils ont quitté un pays en guerre parce que, contrai- rement à d’autres groupes religieux, ils pouvaient compter sur la solidarité d’une importante diaspo- ra maronite (environ huit millions de personnes), désormais heureusement installée en Europe, en Amérique et en Australie. Je vous rappelle qu’au Liban, malgré la chute bru- tale de la composante chrétienne, la constitution matérielle prévoit toujours que le Président de la République (le dernier a été élu par le Parlement il y a deux mois) soit unmaronite. Le cas irakien est certainement le plus douloureux. J’ai rencontré à Damas des réfugiés assyriens et chaldéens qui ont été maltraités, victimes de chantage, forcés de choisir entre l’exil et lamort. Mais il convient de rappeler que dans l’Irak de Saddam Hussein, ces mêmes chrétiens pouvaient librement professer leur foi et exercer leurs activités économiques. Le drame des communautés chrétiennes irakiennes a commencé avec l’invasion américaine du pays au printemps 2003. En Egypte, les Coptes représentent environ 6% d’une population de 71 millions d’habitants. Il y a eu des incidents et des affrontements san- glants avec des groupes islamistes radicaux, en particulier pendant la campagne électorale pour le renouvellement par l’Assemblée du peuple. Et le gouvernement est peut-être moins libéral envers eux qu’il ne l’était dans le passé. Mais les Coptes continuent d’occuper des positions importantes dans la société égyptienne. Ils occupent des postes gouvernementaux et une grande famille de la communauté - les Sawiris - contrôle Orascom Telecom, l’une des plus gran- des entreprises de télécommunications de la Méditerranée. Une dernière remarque. Le critère de réciprocité ne s’applique qu’aux cas où les intérêts légitimes des États sont en jeu. L’État italien a le droit et le devoir de défendre ses citoyens à l’étranger et de veiller à ce qu’ils ne fassent pas l’objet demesures discriminatoires. Mais elle ne peut s’occuper des chrétiens en tant que tels, sauf au nom de principes idéaux et dans le cadre d’éventuelles conventions internationa- les. Il n’est pas «défenseur de la foi», «protecteur des fidèles» ou «gardien des lieux saints». S’il se com- portait comme tel, il serait un État confessionnel, c’est-à-dire une institution dont de nombreux Ita- liens préféreraient ne pas être citoyens.

RkJQdWJsaXNoZXIy MjQwMTE=